Square Enix nous propose un Final Fantasy assez original, porté par quelques bases vraiment plaisantes, mais handicapé par un bon lot d'éléments dommageables.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que la série de jeux rattachés à Final Fantasy 13 n'a pas fait l'unanimité jusqu'à présent : entre l'extrême linéarité du premier volet et l'épopée temporelle alambiquée du second à la conclusion décevante... les amateurs de J-RPG ont eu de quoi grincer des dents. Square Enix entend donc corriger le tir en apportant non seulement une
vraie fin à sa saga mais aussi en repensant son
gameplay pour offrir davantage de liberté et de dynamisme. Pari tenu ?
Bien que prenant place pas moins de
5 siècles après la fin de FF13-2, Lightning Returns suit pourtant "directement" les événements de ce dernier. Il nous propose par ailleurs régulièrement quelques rappels des faits pour que l'on s'y retrouve... même si avoir joué au moins à un des FF13, sinon les 2, est un réel plus. Dans ce nouvel opus, le chaos règne en maître et met en péril l'existence de l'univers dans lequel nos héros ont vécu. On y retrouve Lightning, devenue la « Libératrice », une envoyée de Dieu. Son but :
sauver un maximum d'âmes avant l'inéluctable fin du monde dans quelques jours. On ne pourra effectivement que repousser légèrement l'échéance avec nos actes, mais quoi qu'il arrive, au bout de 13 jours, "crac !", il faudra appeler Carglass. Et sachant qu'une minute virtuelle correspond à 2 secondes et demie réelles... le temps passe donc à une vitesse folle !
Pierre angulaire du
gameplay, le temps continue en effet inexorablement sa marche funèbre sauf dans certaines rares situations (lors des cinématiques ou combats, dans le menu, sur l'Arche et en utilisant le pouvoir - temporaire - Chronostase). Cela induit
une pression constante et la nécessité d'éviter les temps morts, de regrouper les activités et d'organiser ses déplacements en fonction des moments de la journée ; ce qui est assez paradoxal pour un jeu en monde ouvert où la flânerie et l'exploration sans but précis sont généralement de mise.
Mais les développeurs sont allés encore plus loin dans la prise de risque et nous proposent dans cette épopée de ne contrôler que la belle Lightning, même si l'on recroise bien sûr quelques têtes issues des précédents opus et que l'on aura parfois un allié en soutien. Ensuite, ils nous proposent
4 régions assez vastes, très rapidement accessibles, et autant d'actes narratifs contenant des quêtes principales (essentielles au développement de l'histoire), mais aussi une multitude de défis annexes. Le but étant de terminer au moins les quêtes principales de chaque zone avant la fin du monde, sinon c'est le
Game Over !
Le jeu mise en effet beaucoup sur le fait de redémarrer la partie via
un mode « New Game + » dans lequel on retrouvera tous nos équipements et techniques (seuls les objets clés disparaîtront)... Et autant le dire tout de suite, même sans recourir au mode Difficile - qui se débloque au second
run et offre les meilleures récompenses -, il sera
quasi inévitable de recommencer au moins une fois l'aventure pour pouvoir terminer l'histoire. Un choix qui pourra agacer, d'autant qu'il faudra recommencer l'intégralité des quêtes principales précédemment complétées... pas forcément toutes enthousiasmantes de surcroît, mais nous y reviendrons.
Pour nous compliquer encore la tâche, le titre se veut
globalement ardu, même en "Normal" où des combats contre de simples ennemis lambda s'avèrent potentiellement difficiles et très longs - imaginez donc les boss -, où une fuite nous fait perdre une heure virtuelle, où l'argent ne coule pas forcément à flots (surtout au début). Le mode Facile permet, lui, davantage de largesses et offre une régénération de la vie après un combat, l'absence de pénalité en cas de retraite et un coût moins élevé des pouvoirs divins (ralentissement du temps, téléportation, etc.). Pourtant, même dans ce dernier, nous ne disposons étonnamment que de
très peu d'objets curatifs (seulement 6 avec soi, pendant un bon moment !) et aucun des sorts de soin habituels. Quant au repos à l'auberge, on l'évitera bien souvent puisqu'il nous immobilise pas mal de temps en Normal comme en Difficile...
Et si l'on n'a rien contre une certaine difficulté, cette dernière nous a semblé un peu trop disproportionnée et fluctuante dès le mode Normal. Combinée au côté "course contre la montre" et a des combats régulièrement non désirés (l'ennemi apparaît devant nous et nous touche le premier sans que l'on puisse l'éviter et bénéficie en plus d'un bonus d'initiative), elle
pourra logiquement frustrer plus d'un joueur. Vous voilà prévenus.
Car si remporter un combat ardu est assurément gratifiant, devoir se prendre la tête et stresser pour arriver à faire un maximum de quêtes à temps ne plaira clairement pas à tous (d'autant que certains éléments/lieux ne sont accessibles qu'à des heures bien précises). On a ainsi
l'inconfortable sensation d'avoir plein de choses à faire mais de ne pas avoir assez de temps... On trace donc souvent la route en espérant revenir sur les quêtes ou personnages oubliés plus tard. Ce sentiment demeure assez subjectif et moins perceptible en New Game + (puisque l'on conserve bon nombre d'acquis nous facilitant l'avancée), nous avons quant à nous trouvé cette pression globalement un peu trop pesante.
Le pire, c'est que, comme nous commencions à le dire plus haut,
bon nombre de quêtes sont peu enthousiasmantes et parfois assez surprenantes pour un RPG (partir en filature, enquêter sur des meurtres, chercher des chiffres sur des murs, retrouver un sac de partitions, planter des graines, conduire des moutons vers leur enclos...). C'est donc un peu à reculons que l'on y retournera. Faussement compliqué, le scénario, lui, lorgne comme son aîné beaucoup sur l'absence de l'être aimé, la tristesse / mélancolie et a du mal à nous emporter. La faute notamment à une héroïne peu touchante, une narration verbeuse et un brin pompeuse, ayant de surcroît un aspect décousu à cause des différents fils narratifs que l'on peut parcourir à sa guise.
Et comme si cela ne suffisait pas, le jeu traîne également une réalisation en effet en demi-teinte dans son sillage. D'un côté, on note de belles inspirations esthétiques (Les Terres Sauvages notamment) ou mélodiques et, de l'autre, des choix artistiques franchement douteux (colorés, musicaux, vestimentaires) et des défauts comme des textures parfois vilaines et grossières, un crénelage et des
ralentissements quasi permanents - voire fatigants en forêt -, des temps de chargement très fréquents (même si l'installation sur le disque dur réduit leur durée), l'apparition tardive de certains PNJ ou ennemis... on sent que le moteur de FF 13 a vieilli et souffre du côté "monde ouvert".
Entendons-nous bien : cela reste praticable mais
on est tout de même déçu par le manque de finition du titre (certaines jointures entre les murs sont visibles, certains textes sont mal traduits, certains PNJ ne ressemblent vraiment à rien et semblent avoir été créés aléatoirement), de même que certaines zones de jeu ont un net déficit de caractère ou de vie.
Vous l'aurez compris, tout n'est pas rose dans ce Lightning Returns... mais tout n'est heureusement pas à jeter ! Déjà, on apprécie
la grande liberté proposée dans le cheminement et la richesse du contenu proposé par les 4 régions principales ainsi que leur grandeur, donnant parfois l'impression de jouer à un MMO solo (oui, je sais, ça n'existe pas). Un côté "social" est par ailleurs légèrement présent, avec la possibilité de partager photos, messages et scores sur la toile.
Ensuite, ce qui nous a vraiment rassurés, c'est
la solidité de ses systèmes de combat et d'évolution, profondément remaniés. En effet, bien que reprenant des bases du gameplay de FF13 et FF13-2 (découverte progressive des forces / faiblesses d'un ennemi en le combattant, principes de choc et d'initiative récompensée...), ce nouveau bébé nous propose une approche très intéressante.
On le rappelle : on ne contrôle que Lightning durant tout le jeu (les rares alliés qui l'accompagnent parfois n'étant pas jouables) laquelle dispose de
trois styles différents, donnant accès à des techniques et capacités propres. Une simple pression sur un bouton de tranche permet de passer de l'un à l'autre en plein combat... Ce qui arrivera fatalement puisque chaque technique utilisée consomme une partie (plus ou moins grande) de sa jauge - ATB - dédiée. En clair : en réalisant une attaque du style 1, on consomme une partie de la barre d'action liée au style 1, et il faudra passer au style 2 ou 3 pour permettre à la jauge 1 de se remplir. Cela apporte un rythme vif aux affrontements ainsi qu'un aspect stratégique pertinent ; d'autant que le timing demeure crucial notamment pour la garde.
De plus, chaque style a des capacités propres (PV Max, Vitesse ATB, garde, orientation élémentaire...) et est associé à des équipements comprenant également des spécificités (bonus, malus, techniques, etc.). Cela fait qu'
on a un peu l'impression de changer de combattant en modifiant le style, ce qui limite la lassitude de n'avoir qu'un héros. Alors, oui, bien sûr, c'est la porte ouverte à un déluge d'équipements en
DLC, mais rassurez-vous : les nombreux outils présents sur la galette (80 tenues ainsi qu'un bon lot d'épées, boucliers et accessoires) conviennent largement.
Précisons également qu'il est possible de choisir aussi bien les techniques - offensives ou défensives - de notre héroïne que son apparence. Et si mêler tous ces éléments donnent parfois des résultats esthétiquement douteux,
le grand nombre de combinaisons possibles apporte une richesse insoupçonnée au jeu et permet à chacun d'avoir une expérience assez personnalisée. Même les touches sont aménageables pour que l'on soit le plus efficace possible durant les batailles ! Et vu qu'un combat peut s'avérer très compliqué ou très facile en fonction des compétences de Light', mieux vaut bien réfléchir avant un combat et "bidouiller" régulièrement dans les menus.
Vous l'aurez compris, les développeurs ont fait preuve d'une excellente inspiration, qui contraste vraiment avec le relatif manque de variété du bestiaire (piochant d'ailleurs en partie sur celui des précédents opus). Ils nous ont également apporté quelques subtilités "typées" RPG comme la fusion de - deux - compétences de même type (ex : deux capacités "Feu" de niveau 1 donnent un "Feu N1" aux caractéristiques plus élevées). Précisons au passage que
les compétences sont les seuls éléments qui évoluent dans le jeu ; pas de
level-up pour Lightning donc. Tout cela apporte une vraie profondeur au
gameplay (au demeurant assez commun / basique pour la partie exploration : saut, grimpette automatique sur des échelles, course, parler avec des PNJ) et nous oblige à avoir des réelles réflexions stratégiques avant, pendant et après le combat. Les affrontements n'en sont que plus gratifiants et prenants.
On regrettera simplement, outre la rugosité excessive de certains passages dès le mode Normal,
les fréquents soucis de lisibilité de l'action : il y a souvent trop d'effets visuels et la caméra est régulièrement trop proche ou mal positionnée (malgré l'option de "dézoom"). Ces derniers rajoutent une complexité supplémentaire à des affrontements qui n'en manquent généralement pas et peuvent nous faire perdre des objets de soin voire une heure virtuelle en cas de fuite. Enfin, dommage que l'on n'ait que 3 styles maximum en combat car, si cela suffit bien souvent, il arrive assez fréquemment que l'on échoue faute d'avoir les bons coups ou équipements... et que l'on perde alors du temps. Eh oui, le temps, toujours le temps…
C'est indéniable, ce troisième volet de la saga Final Fantasy 13 divisera encore plus que ses prédécesseurs. S'il nous a vraiment plu par ses systèmes de combat et d'évolution ainsi que par sa liberté d'action, il nous a par contre frustrés par son compte à rebours un peu trop oppressant adossé à une difficulté déstabilisante, son histoire peu envoûtante, ses choix artistiques discutables et sa technique parfois franchement faiblarde. De plus en plus prenant et gratifiant à mesure qu'on le pratique, le titre parvient tout de même à obtenir un avis favorable de notre part… mais il aurait pu être tellement meilleur avec un brin d'inspiration et de finition supplémentaires ! Dommage.
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