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Publiée le 30/01/2015 à 16:01, par Virgile

25 ans de la Neo Geo : petite histoire d'un mega shock

Rêve mouillé de toute une génération de joueurs, la Neo Geo fête ses vingt-cinq ans d'existence. La Rédaction a décidé de marquer le coup en vous racontant la carrière confidentielle de cette console sur le sol français.

L’inénarrable Ken Kutaragi a dit un jour à propos de sa bien-aimée PS3 : « Si vous considérez la PlayStation 3 comme un jouet, alors oui c’est un jouet cher. Cependant elle est plus qu’un jouet. C’est une PlayStation 3. Et c’est la seule PlayStation 3 ». Déclaration alors unanimement décriée pour son arrogance. Mais si elle avait été prononcée au début des années 90 à propos de la Neo Geo, il y a fort à parier que les joueurs n’y auraient rien trouvé à redire.

Surnommée la « Rolls des consoles » par la presse de l’époque, la Neo Geo AES – Advanced Entertainment System - fête cette année ses 25 ans. Peu de consoles peuvent se targuer, en cette période-là, d’avoir autant fait rêver que la machine produite et commercialisée par SNK. Pour comprendre cette fascination qu’exerçait ce monstre de puissance sur les joueurs, il faut se rappeler que le début des années 90 était toujours technologiquement dominé par l’arcade, avant-garde d’un jeu vidéo dont les consoles étaient encore incapables de reproduire les prouesses visuelles et sonores. A l’exception d’une seule d’entre elles, architecturée sur le même socle technique que le MVS – Multi Video System, le hardware développé par SNK et que l'on trouvait, en France, dans toutes les bruyantes salles d'arcade et autres cafés enfumés de l'époque. De quoi promouvoir la Neo Geo version console de salon auprès des joueurs de l'Hexagone.

Neo Geo

Crédit : Ryther Photographie - Alerte Orange


Fantasme et grosses cartouchesRetour au sommaire
Pourtant, bien que sortie officiellement au Japon et aux Etats-Unis, la Neo Geo n’a jamais eu le droit à une authentique version PAL sortie des usines de SNK. La compagnie japonaise n'a aucune filiale européenne et le marché ne l'intéresse tout simplement pas. Un peu comme la PC-Engine, cette autre machine culte distribuée par Sodipeng après sa mise en conformité avec les normes françaises, la Neo Geo dite européenne est, au mieux, une version japonaise accompagnée d'un transfo, au pire, un modèle américain bricolé en 50Hz. Modèle bâtard, devenu rare et bien évidemment dénigré par tout amateur qui se respecte.

Neo Geo
La console de SNK est alors un produit relativement rare que seules quelques boutiques proposent à la vente, le plus souvent dans sa version d'importation, américaine ou japonaise. « Comme tout le monde à l'époque, c'était un fantasme de joueur et la possibilité d'avoir de l'arcade à la maison » témoigne le journaliste Emmanuel Villalba. « Et quand on remet tout dans son contexte, c'était quand même une sacrée console et de sacrées cartouches aussi. Maintenant, nous étions tous sûrs que c'était aussi le genre de machine dont l'élitisme tarifaire condamnait à une disparition plus ou moins rapide. En un mot, elle ne survivrait pas à ma NEC » pensait-il. Et pourtant, sa ludothèque a continué d’accueillir de nouveaux titres jusqu’en 2004, soit quatorze années d’activité.

La Neo Geo commence timidement son aventure hexagonale grâce, notamment, à une boutique parisienne : Shoot Again. Si d’autres ont évidemment suivi, Shoot Again est le premier magasin spécialisé à importer la console dès sa sortie au Japon et s’imposera vite comme un repaire pour les amateurs parisiens de la console griffée SNK. Mais ces amateurs sont encore très peu nombreux et la Neo Geo reste un produit d'appel. « Le problème de la Neo Geo, c’est que c’était tellement cher qu’on en importait très peu » se remémore Jean-Marc Demoly (autrement connu sous le pseudo JM Destroy) alors cogérant de Shoot Again. « On n'avait pas les moyens financiers pour pouvoir avancer les fonds et acheter une cinquantaine ou une centaine de Neo Geo directement au Japon ou à Hong-Kong. On a peut-être été les premiers à les distribuer mais en quantité tellement faible que c’était insignifiant ».


Le légendaire écran de démarrage de la console. 25 ans plus tard, sa petite mélodie trotte encore dans la tête de votre serviteur...

Un commerce entre GuillemotRetour au sommaire
Toutefois il ne faudra pas attendre trop longtemps pour qu’une société décide d’importer la console et ses jeux pour les distribuer un peu partout France. A partir de la fin de l’année 1990 l’entreprise Guillemot International prend en main le destin de la machine sur le territoire français. Guillemot, ce nom vous dit forcément quelque chose. Ubisoft ? Gameloft ? Oui, Guillemot International – depuis, absorbé par Guillemot Corporation – est l’une des sociétés fondées par les frères entrepreneurs et dont la plus célèbre est évidemment Ubisoft, dont Yves Guillemot est l’emblématique président. En 1984, la fratrie reprend l’entreprise de négoce de matériel agricole montée par ses parents et la reconvertit en commerce de matériels et logiciels informatiques dès lors baptisé « Guillemot International Software ». Et parmi les produits qu’ils décident d’importer et de commercialiser en France, il y a la Neo Geo.

Dépliant Neo Geo de Guillemot International

Un dépliant publicitaire pour la Neo Geo édité par Guillemot International (Source : Arcade Flyers Archive)


Guillemot International négocie un partenariat avec SNK mais ne se soucie apparemment pas de voir des jeux encore importés par des boutiques, en dépit de précédents accrochages. « On avait beaucoup d’ennuis avec Sodipeng [société distributrice de la PC Engine en France et filiale de Guillemot International, ndlr] concernant la PC Engine parce qu’on avait trouvé le moyen de modifier la sortie télé de la console pour qu’elle soit compatible avec les télés françaises, et Sodipeng n’avait pas cette technologie-là et ils nous l’ont prise. Mais pour ce qui est de la Neo Geo, c’était pas du tout le même business, ils traitaient directement avec SNK, en achetaient par centaines ou par milliers. Ils n’avaient rien à voir avec nous, on était un pauvre petit revendeur. » confie Jean-Marc Demoly.

A la différence des boutiques indépendantes important et commercialisant à leur clientèle consoles et jeux en versions originales, Guillemot International réalise un début de localisation. Comme évoqué plus haut, la console est d'abord une version japonaise reconditionnée avec un transformateur, puis américaine passée en 50Hz. Quant aux cartouches, elles sont certes importées, mais un manuel entièrement en français est glissé dans chaque boîte avant que celles-ci ne soient expédiées en boutiques. Les collectionneurs d’aujourd’hui parlent d’ailleurs de « versions Guillemot » pour désigner ces cartouches hybrides, dont le sceau a été brisé pour le besoin de cette localisation artisanale. Sans imaginer rivaliser avec les consoles de Nintendo et Sega, Guillemot International tentera tout de même de faire parler de la Neo Geo au-delà du seul cercle des initiés avec des publicités dans les magazines de l’époque, mais aussi un stand présentant la console lors de la deuxième édition du « Salon de la Micro » organisé à la Villette fin octobre 1990.

Le stand Guillemot au Salon de la Micro

Le stand Guillemot au Salon de la Micro (Source : NeoGeoCDWorld)


Mais les débuts sont difficiles. En cause, une première année de commercialisation de la machine péniblement rythmée par une poignée de sorties anecdotiques. De sorte que la presse de l’époque ne cache pas sa déception. A l’image du magazine Player One qui, dans son numéro de novembre 1991, se remémore les débuts de la console alors qu’il vient – enfin ! – de recevoir un colis de cinq jeux expédié par Guillemot International : « La Neo Geo n’avait jamais déclenché beaucoup de passion à la rédaction de Player One » écrit ainsi Cyril Drevet, alias Crevette. « Trop chère, un catalogue de titres réduit, des jeux mal dosés ou pas à la hauteur de la machine… Bref elle ne nous satisfaisait pas ».

Les années fastes et furieusesRetour au sommaire
Publicité pour Fatal Fury Special
Mais l’année 1991 voit enfin la ludothèque de la machine s’étoffer avec des titres comme Burning Fight, Ghost Pilots, Alpha Mission II, Blue’s Journey, 2020 Super Baseball et surtout, fin 1991, Fatal Fury. De quoi arrêter une décision d’achat pour quelques furieux. Ceci dit, le prix de la Neo Geo et plus encore celui de ses jeux - équivalant à plus de 300 de nos euros en moyenne - oblige ces quelques amateurs à économiser patiemment leurs deniers pour faire l’acquisition de cette console de rêve. D’autres trouvent des combines plus pragmatiques : «En 1991, je bossais en cuisine » raconte Emmanuel Villalba « et suite à une annonce recherchant des petits gars pour créer de nouveaux magazines de jeux vidéo, j'ai envoyé un CV sans trop y croire avant d'être très rapidement contacté par la boite en question. Le patron d'alors m'a dit de faire une période d'essai et m'a proposé soit d'être payé en piges, soit en matos. J'ai choisi le matos et c'est comme cela que j'ai eu ma Neo Geo ! ».

Avant cette fin d’année 1991, la Neo Geo doit son surnom de « Rolls des consoles » à son prix. L’après 91 marque ainsi un tournant : ce statut elle le doit aussi, désormais, à une promesse enfin tenue, celle d’installer l’arcade à la maison et de rouler sur toute la concurrence. Il faudra ceci dit attendre la sortie de Fatal Fury 2 pour que la Neo Geo trouve véritablement son crédo, celui du jeu de baston, et donc son petit cœur de cible.

Entre fin 1992 et fin 1995, de nombreux jeux de castagne viennent bâtir sa légende : Art of Fighting, Fatal Fury, World Heroes, The King of Fighters, Samurai Shodown, autant de licences créées puis déclinées en plusieurs épisodes qui ont fait le succès – relatif – de la console auprès d’un public initié aux joies du bourre-pifs par le grand rival Capcom et son Street Fighter II. Si Guillemot International fait l’impasse sur certains des titres sortis pendant ces années fastes, les boutiques spécialisées sont quant à elles à l’affût de la plupart des nouveautés. « A part les jeux de Mahjong, à l’époque on achetait tout ce qu’il y avait ! » se souvient Jean-Marc Demoly, « mais ça n’a pas duré très longtemps parce que c’était vraiment trop cher. »

Fin de règne, début d'une légendeRetour au sommaire
La Neo Geo CD
La Neo Geo, en dépit d’une ludothèque comblée par trois années prolifiques, reste donc une console de niche avant tout portée par un immense succès d’estime. Et l’après 1995, en France comme partout ailleurs dans le monde, marque le déclin de cette idolâtrie que lui vouent les possesseurs de consoles 16-bits désargentés. La PlayStation de Sony est disponible sur le sol français depuis fin septembre de cette année et avec elle, c’est un nouvel horizon de prouesses techniques qui s’ouvre. La 3D, le voilà l’avenir. Et si cette bécane d’un nouveau genre est chère, ses jeux le sont beaucoup moins. La suite on la connaît : afin de réduire le prix des jeux SNK passera au support CD avec la Neo Geo CD puis CDZ. Mais cela n’est déjà plus seulement une question de prix. Alors la société japonaise s'essaiera à la 3D avec une toute nouvelle console qui ne verra finalement jamais le jour : l’Hyper Neo Geo 64.

La Neo Geo n’est dès lors plus que la souveraine d’une époque déjà révolue. Après 1995, Guillemot International a définitivement tiré un trait sur la bécane de SNK. C’est l’enseigne Espace 3 Games – chaîne de magasins devenue BigBen Interactive depuis – qui reprendra le flambeau de la distribution de la machine et de ses jeux. Une exclusivité renégociée auprès de SNK pour un marché plus que jamais réduit à une clientèle de passionnés qui peut néanmoins toujours compter sur SNK pour porter sur Neo Geo AES les titres développés pour système MVS. Jusqu'en 2004, et en dépit de difficultés qui l'ont amené à l'explosion puis à sa résurrection, SNK continuera tant bien que mal à sortir des jeux sur son support. Les sorties ont beau se raréfier, la Neo Geo sortira ses tripes jusqu'au dernier moment, ne rendant l'âme qu'après avoir donné tout ce qu'elle avait avec des titres de plus en plus beaux, explosant la limite théorique des 330 Mega affichés à l'écran de démarrage (Metal Slug 5, sorti en 2003, détient le record de 708 Mega). La suite est une histoire de collectionneurs.

Neo Geo


Amour éternel et spéculation posthumeRetour au sommaire
Comme toute console au glorieux passé, la Neo Geo est devenue une machine prisée, dont les jeux se négocient parfois à des prix fous. Vingt-cinq ans après sa sortie, elle reste ainsi, plus que jamais, une console de luxe. Si, jusqu'au milieu des années 2000, le prix des cartouches les plus courantes était encore à peu près abordable pour qui souhaitait se constituer une petite ludothèque, l'emballement du marché du jeu vidéo rétro n'a pas épargné les cartouches Neo Geo, loin de là. « Sur ces deux ou trois dernières années, les prix ont totalement craqué. Des jeux qu'on trouvait par exemple aux alentours de trois cents ou quatre cent euros, considérés comme des gros titres, aujourd'hui c'est du mille euros » nous a ainsi confié Guillaume Lapenne, gérant de Gamespirit, boutique spécialisée dans le rétro. « C'est vraiment de plus en plus compliqué pour un collectionneur, que ce soit pour les titres de petit, moyen ou haut de gamme. » renchérit-il.

Et comme si le prix n'était déjà pas un obstacle suffisamment rédhibitoire pour les aspirants collectionneurs, le marché de la Neo Geo se caractérise par un nombre de plus en plus important de faux en circulation. Comment est-il donc possible de contrefaire une cartouche Neo Geo ? Et bien rappelez-vous que la Neo-Geo AES est la version console de salon du système MVS des bornes d'arcade. Autrement dit, il est tout à fait possible d'utiliser la PCB (pour faire simple, le circuit imprimé) d'un jeu MVS, bon marché, pour l'adapter au boîtier plastique d'un jeu AES. On appelle ça une convert et certains ont trouvé là un bon moyen de s'enrichir. « Le plus courant ce sont les converts de jeux très haut de gamme. Sur du Metal Slug, du Blazing Star ce genre de choses par exemple. » déplore Guillaume Lapenne, « mais le pire c'est qu'on commence à en voir circuler sur des jeux de gamme inférieure ».

Neo Geo
Neo Geo
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Précautionneux, Guillaume ouvre chaque cartouche de valeur pour s'assurer de son authenticité

Un phénomène qui s'explique évidemment par la flambée des prix. « Un Garou : Mark of The Wolves auparavant ça tournait autour des trois cents ou quatre cents euros, aujourd'hui c'est plutôt du mille euros, alors automatiquement, tu commences à trouver des converts de ce jeu ». Pour les revendeurs comme pour les collectionneurs, il devient primordial d'authentifier chaque cartouche. Et là, autant vous dire que c'est un véritable casse-tête. « C'est réellement très compliqué, voire même quasi impossible aujourd'hui, d'être certain qu'il s'agit d'une convert ou d'une originale, juste en regardant la boîte, la jaquette, la notice et la cartouche fermée. Même avec une registration card ! Il faut obligatoirement ouvrir la cartouche. Dès que je rentre une pièce qui est au-dessus de trois cent euros, je l'ouvre. ». Vingt-cinq ans après sa sortie, non seulement la Neo Geo est toujours autant réservée - voire plus encore - aux joueurs les plus aisés, mais elle fait en plus les frais de sa parenté avec le système MVS. « Franchement, en tant que revendeur, cette console je la hais ! » a fini par s'emporter Guillaume, juste avant que nous le quittions. Et quelle meilleure façon de conclure notre petite histoire de la console en France que ce cri du coeur ? Car, au bout du compte, de 1990 à 2015 c'est ce sentiment partagé entre frustration et admiration qui a toujours caractérisé les rapports entre la Neo Geo et ses amants éperdus.



Neo Geo

Tous les commentaires

  • Crisis2032
    06/02/2015 16:29:52

    Très Belle Initiative mais pas assez de titres cités ! En lisant on souhaite que vous parliez de Beat'em'all, de la poésie de Last Blade, de l'amour du combat de Real Bout Fatal Fury 2, ou des bandes sons merveilleuse de Pulstat, Samurai Shodown 2. Du shoot le plus original de tous les temps comme Twinkle Star Sprite ! C'est beau mais on sent pas assez la passion ! Merde je me suis presque ejacul### dessus quand Magician Lord est sorti (premier jeu de la console !) ! Ou dire que tous les World Heroes étaient populaires mais assez pourris ! Parler des difference parfois entre bornes arcade et version neogeo (Blood ! :p). Y'a tant à dire ! Et puis chialer un bon coup avec la belle phrase : "C'était mieux avant cette salop### de 3D !" ! ;)

  • AxelDG
    03/02/2015 15:37:23

    NeoGeo, Shoot Again JMDestroy (ancien de Joystick), arghhh que de souvenirs. J'adorais cette petite boutique qui me faisait rêver ! On bavait tous sur cette merveille de NEO GEO, la seule déception pour ma part de la marque a été la version portable/

  • Alecfoo
    02/02/2015 14:52:51

    Sympa comme article ! :) Sinon, une question à la rédac : un live est-il prévu pour fêter les 25 ans de cette console comme il se doit ? J'ai pas le souvenir qu'il y en ait eu un pour la Saturn l'an dernier. :-/

  • yuter
    01/02/2015 18:32:37

    Moutonkiller bon ça va , on va juste te lancer des cailloux :)

  • Moutonkiller
    01/02/2015 17:20:50

    yuter Moutonkiller  non, j'ai gardé les autres consoles et vendu que la NeoGeo (console cartouche) mais gardé la NG-CD encore un peu (puis tout revendu bien plus tard)

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