Dossier : le point sur le piratage consoles
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Une pratique majeure et récurrente sévit depuis l’aube de l’univers vidéoludique. Comparés à des flibustiers, ses adeptes travaillent en marge de la loi, revendiquant des idéaux pour certains. Pour d’autres, seul l’appât du gain entretient la ferveur qu’ils mettent au profit de leur vice : le piratage. Ce dossier n’a pas pour volonté de jouer les moralisateurs, ni même d’encenser ce phénomène ancien de plus de vingt ans. Le piratage est présent dans le domaine des jeux vidéo. Il faut donc en traiter comme on parlerait du succès de la Wii ou des pubs les plus kitsches du jeu vidéo, c'est-à-dire factuellement, simplement pour faire le point.
Le piratage c'est quoi ?Retour au sommaire
![piratage-c-est-quoi piratage-c-est-quoi](http://img.jeuxvideo.fr/photo/00C800007045658-photo-piratage-c-est-quoi.jpg)
Quels sont les risques ?Retour au sommaire
Il y a 10 ans, les amendes pouvaient culminer à 1 million de francs, pour des peines allant de 2 mois à 3 ans derrière les barreaux. Aujourd’hui, le piratage est puni jusqu’à trois ans d’emprisonnement et pour 300 000 € d’amende. Il faut ajouter que lorsque cela est commis en bande organisée, il porte les peines à 50 ans de prison et 500 000 euros d’amende. En avril 2004, un jeune homme, âgé de 15 ans au moment des faits, est condamné par le tribunal pour enfants de Nevers à un mois de prison avec sursis pour piraterie de logiciels de jeux vidéo. Son délit ? « Infraction pour contrefaçon par reproduction et diffusion non autorisée de logiciels en violation des droits de l´auteur ». « C´est la première fois qu’une affaire de piraterie de logiciels de jeux vidéo par un mineur aboutit, en action publique, à une peine de prison », soulignait à l’époque l´avocat du SELL (Syndicat des éditeurs de logiciels de loisir), Maître Bejarano. Le jeune homme, âgé aujourd´hui de 19 ans, a également dû payer 30.575 euros de dommages et intérêts au SELL, a précisé ce syndicat dans un communiqué. Après avoir commencé par échanger des jeux avec ses amis, il s´était mis à revendre les jeux, d´abord à ses amis et ensuite sur Internet, où il a effectué quelque 900 ventes. En fait, ce que les juges condamnent le plus souvent, c’est le trafic. Cependant la copie aussi est interdite. Autre cas caustique, celui d’un viticulteur de 39 ans qui a mis en vente, en 2004 encore (décidément) 157 jeux de PlayStation pour 4,57 € pièce. Résultat : quatre mois de prison assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve et 4 000 € d’indemnisations répartis entre Sony et le SELL. On est loin des trafics internationaux, mais c’est ce genre de cas typique qui permet aux autorités de faire peur au pirate lambda.
Pirater pour quoi faire ?Retour au sommaire
![pirater-pour-quoi-faire pirater-pour-quoi-faire](http://img.jeuxvideo.fr/photo/00C800007045660-photo-pirater-pour-quoi-faire.jpg)
Bien que cette pratique ne soit pas légale puisque chaque joueur n’est censé n’utiliser que les versions des jeux de son pays, elle est dite « tolérée ». Encore plus en avant dans le domaine de l’import, beaucoup de joueurs cherchent à posséder toutes les versions de certaines séries de jeux. On trouvera ainsi, par exemple, des fans de Final Fantasy qui cherchent à posséder coûte que coûte tous les épisodes dans leurs versions US, nippone et européenne simplement pour compléter leurs collections. On peut donc dire que tous les actes de piratage vidéoludique ne sont pas effectués dans l’esprit de nuire. Cependant, une chose est certaine, ce phénomène démocratisé par la vague Internet est un véritable cercle vicieux. Le piratage est aujourd’hui à la portée de tous et Internet et ses réseaux P2P sont beaucoup plus proches que le revendeur habituel, donc piratage il y a. Cela induit un maintien des prix par les éditeurs afin de s’y retrouver dans ce marasme économique. Au final, ce sont peut être les joueurs honnêtes qui payent le prix fort de ces détournements.
Du piratage garage au piratage familial 1/3Retour au sommaire
![piratage-garage-au-piratage-familial-1-3 piratage-garage-au-piratage-familial-1-3](http://img.jeuxvideo.fr/photo/00C800007045662-photo-piratage-garage-au-piratage-familial-1-3.jpg)
Avec l’apparition des consoles de jeu, le hacking devînt une alternative intéressante pour les petites bourses. La première console touchée fut la Nes. Dotée à l’origine d’un lecteur de cartouches, la Nintendo version japonaise vit apparaître dans la gamme de ses accessoires un lecteur de disquette au format propriétaire, baptisé Famicom Disk System. But de l’opération pour le constructeur, diminuer les coûts de fabrication des jeux et augmenter leur taille. Mais au final, quelques personnes aux idées lumineuses eurent tôt fait d’assimiler le FDS à un lecteur de disquette lambda et remplacèrent celui-ci par un lecteur 3"1/2 afin d’utiliser des jeux pirates. Conscient de son erreur, Nintendo ne réitéra pas l’expérience du FDS sur la Super Nes. Les pirates d’alors durent user de plus de ruse pour contourner l’achat de jeux.
![N/A N/A](http://img.jeuxvideo.fr/photo/00C800007045664-photo-n-a.jpg)
Mais le principe des copieurs prit fin avec l’avènement des lecteurs CD pour consoles, lecteurs bourrés de protections. C’est la Nintendo 64 qui clôtura l’époque du piratage par copieurs. Sortie après la PlayStation, elle fut la dernière console de son temps à fonctionner encore avec des cartouches. Les derniers copieurs comme le Wild Card 64, le Docteur 64 ou encore le CD 64, ne fonctionnaient plus sur disquette mais avec des CD-Roms sur lesquels il fallait graver les jeux. Comme quoi l’ère du numérique était déjà bien en place. La Playstation de Sony et la Saturn de Sega avaient lancé un nouveau défi aux hackers. La solution-miracle passa alors par la soudure de puces (ou modchip en anglais) à même les composants de la machine. Les protections pouvaient alors sauter. Curiosité du genre, la toute première version de la PS1 ne nécessitait aucune modification pour faire fonctionner les jeux gravés au préalable. Un simple coton-tige pour tenir le capot ouvert, un changement de CD rapide entre la phase de boot et la séquence de lecture du jeu et le tour était joué. Dans le même style, Sega signa sa cessation d’activité de constructeur avec la Dreamcast à peine trois ans après son lancement. Excellente machine s’il en est, celle-ci lisait d’elle-même les jeux gravés simplement après introduction dans la console d’un CD de boot disponible librement sur Internet –et totalement légal-. Dernière mauvaise opération marketing ou ultime espoir de relancer ses ventes ? Quoiqu’il en soit, Sega disparu, Sony s’empara bien rapidement du marché début 2001, popularisant l’utilisation des modchips grâce aux très bonnes ventes de la PS2 et au développement du haut débit.
Du piratage garage au piratage familial 2/3Retour au sommaire
![piratage-garage-au-piratage-familial-2-3 piratage-garage-au-piratage-familial-2-3](http://img.jeuxvideo.fr/photo/00C800007045666-photo-piratage-garage-au-piratage-familial-2-3.jpg)
L’autre méthode consiste à faire croire à la console que le tiroir est toujours fermé afin d’y insérer un DVD permettant de changer la séquence de boot de la console. Inconvénient, il faut réitérer la manipulation pour chaque jeu alors qu’avec un modchip installé, c’est simple et rapide : on insère le jeu et c’est parti. Un an après la sortie de la PS2, le marché mondial vit apparaître la dernière console ancienne génération Nintendo, la Gamecube. La bécane fit d’ailleurs la forte tête face au piratage, non pas que son système soit extrêmement sécuritaire, mais le format de mini-DVD utilisé rendait la chose plus compliquée. Il fallut attendre la sortie de Phantasy Star Universe, premier jeu en ligne de la console, pour trouver une faille dans le système de Nintendo. Et le combat contre la machine n’était pas pour autant gagné. Relier la console à un PC via les ports réseau des deux engins et s’enfoncer dans de multiples réglages qui fleuraient bon le piratage garage.
![N/A N/A](http://img.jeuxvideo.fr/photo/00C800007045668-photo-n-a.jpg)
Mais il ne faut pas s’y méprendre, le coup du piratage délicat -au début- de la Gamecube n’avait jamais été et n’est plus l’apanage des consoles de Big N. Avec la dernière console portable de Nintendo, le piratage est simplifié à l’extrême, ce qui a d’ailleurs engendré des réactions du constructeur qui a interdit la vente de multiples accessoires apparentés au piratage. Ces objets de convoitise sont les linkers. À l’origine utilisés par les développeurs pour effectuer des copies aisées de leurs programmes, ils se sont rapidement démocratisés vers le grand public et la scène underground pour le développement de logiciels homebrew (fait maison). Une cartouche DS dotée d’une fente micro-SD, une carte micro SD et le tour est joué. Il suffit de savoir se servir de sa DS et d’un ordinateur pour jouer sur des versions pirates des jeux de la console à double écran. Téléchargez, transférez, jouez. C’est en gros ce à quoi l’on doit s’attendre pour devenir un pirate aujourd’hui. Et ce n’est pas la dernière console de Bill Gates qui contredira ce laïus. Lancée en 2005, la successeuse de la Xbox fut longtemps appelée sobrement Xbox2. Au final, elle prit le nom de Xbox360. L’ère next-gen avait débuté.
Du piratage garage au piratage familial 3/3Retour au sommaire
![piratage-garage-au-piratage-familial-3-3 piratage-garage-au-piratage-familial-3-3](http://img.jeuxvideo.fr/photo/00C800007045670-photo-piratage-garage-au-piratage-familial-3-3.jpg)
Avec l’ère du next-gen, c’est aussi Internet sur console qui s’est démocratisé et tout particulièrement les jeux en ligne. Et s’il n’est que rarement possible d’utiliser en ligne des jeux PC piratés, leurs homologues consoles fonctionnent parfaitement. En 2004 était annoncée la Revolution, une console prévue pour une jouabilité révolutionnaire qui a su aujourd’hui s’intégrer au sein de millions de foyers. On la connaît plus sous son nom commercial : la Wii. Dernière console de Nintendo à ce jour, elle s’inscrit tout comme la DS dans le créneau du Casual Gaming, ce jeu vidéo pour tous qui se doit de satisfaire l’Homme de 7 à 77 ans. Aujourd’hui leader en termes de ventes, la Wii est en plus une console qui ne nécessite que sept points de soudure pour tomber dans le domaine du hacking. Et des puces pour Wii on en trouve à la pelle. WiiD, Wiifree, Wiikey, Wiisuper, Wiininja, etc… L’utilisateur n’a que l’embarras du choix.
Pucer, télécharger, graver, jouer ; décidément le schéma du piratage se simplifie de plus en plus au fur et à mesure des années, et c’est sans parler de la PSP que l’on peut même acheter déjà hackée, n’attendant plus qu’on fournisse sa carte mémoire en ISOs. Quoiqu’il en soit le piratage n’est plus aujourd’hui l’affaire de quelques passionnés qui se complairaient à jouer les violons de la nostalgie. On est arrivé à une époque où le business du piratage ne se place plus au niveau logiciel mais autour des modchips et des accessoires en marge, vendus en toute légalité sur le net ou en boutique, sous couvert d’une utilisation homebrew. Le marché des consoles explose parce que les machines actuelles sont aisément piratables et qu’elles s’adressent à un plus large public. Malgré une politique répressive, le piratage est devenu commun, à la portée de tous. Selon une étude TNS-Sofres, savoir que le piratage est puni n’empêche pas de continuer à pirater fut la réponse de 79% des personnes interrogées, choisies sur un panel représentatif de la population.
Le piratage vraiment rentable ?Retour au sommaire
![piratage-vraiment-rentable piratage-vraiment-rentable](http://img.jeuxvideo.fr/photo/00C800007045672-photo-piratage-vraiment-rentable.jpg)
Prenons maintenant l’exemple budgétaire d’un pirate lambda. Si celui-ci achète une PS2 neuve et les mêmes accessoires que le client honnête, il devra quant à lui poser une puce dans sa nouvelle acquisition. Et le coût d’une puce, achat et pose comprise, se fixe à 60 € en moyenne. En ce qui concerne le jeu téléchargé, sans compter l’abonnement au FAI, il ne coûte que le prix du DVD à graver, soit environ 2 €. Au final, une année de PS2 pour un hacker qui aura téléchargé 5 jeux ne lui reviendra qu’à 250 €. Les 80 € de différence de coût de revient de la console pirate avec celle du joueur honnête ne sont finalement pas énormes. Cependant, l’intérêt du hors-la-loi se situe sur la durée, sa puce étant amortie en un ou deux jeux téléchargés. Mais 80 € pour presque 300 000 € d’amende, est-ce que ça vaut vraiment le coup ? Nous ne faisons que poser la question…
Quelles conséquences pour les constructeurs et les éditeurs ?Retour au sommaire
![quelles-consequences-pour-constructeurs-editeurs quelles-consequences-pour-constructeurs-editeurs](http://img.jeuxvideo.fr/photo/00C800007045674-photo-quelles-consequences-pour-constructeurs-editeurs.jpg)
En élargissant un peu la réflexion, l’augmentation du nombre de joueurs potentiels influe sur l’augmentation du nombre de jeux. On peut donc légitimement avancer que le piratage contribue, indirectement, à l’élargissement du catalogue de jeux sur consoles. Mais ceci n’est qu’une réflexion comme une autre qui ne prend en aucun cas le parti des flibustiers numériques. Car à force de pirater des jeux, certains petits éditeurs ont dû mettre la clé sous la porte car devenus trop peu rentables. Et ça, non seulement c’est mal, mais ça diminue inévitablement le nombre de jeux sur le marché…
Le point sur l’émulationRetour au sommaire
![point-emulation point-emulation](http://img.jeuxvideo.fr/photo/00C800007045676-photo-point-emulation.jpg)
![N/A N/A](http://img.jeuxvideo.fr/photo/00C800007045678-photo-n-a.jpg)
L’exception PS3Retour au sommaire
![exception-ps3 exception-ps3](http://img.jeuxvideo.fr/photo/00C800007045680-photo-exception-ps3.jpg)
Quelques bricoleurs se sont bien risqués à modifier les sécurités de la console de Sony en utilisant une faille logicielle de celle-ci. Par quelques manipulations de disques, ils parviennent à faire fonctionner une version gravée de Call Of Duty 3, et encore, seulement sur une certaine série de la console. Cependant, ceux qui se risqueraient à cette modification pourraient être bannis du PSN par Sony, le constructeur ayant mis en place un fureteur qui détecterait les consoles modifiées. Aujourd’hui ce n’est donc pas le piratage de sa console de salon qui inquiète le constructeur nippon, mais plus l’utilisation qui peut en être faite. Reliées entre elles sur le réseau Internet, les PS3 du monde entier atteindraient, selon l’informaticien Steve Prentice, la puissance de calcul du plus gros supercalculateur : Cray. « Les millions de Ps3 connectées entre elles auront autant de puissance et cela risque d'attirer les criminels » confie encore Prentice. C’est sur ce terrain que Sony devrait aujourd’hui placer ses pions pour éviter de fournir du pré-mâché aux véritables bandits high-tech, friands de comptes bancaires et autres cryptographes.
L'avenir du piratageRetour au sommaire
![avenir-piratage avenir-piratage](http://img.jeuxvideo.fr/photo/00C800007045682-photo-avenir-piratage.jpg)
D’un point de vue objectif, cette réflexion fait plus office de goutte d’eau qu’autre chose bien que le piratage n’a pour l’instant pas trouvé de moyen pour cracker des jeux Online tels que Phantasy Star Online ou encore le très célèbre World of Warcraft. La véritable innovation sécuritaire pourrait venir d’un système de log via un compte console en ligne pour faire fonctionner son jeu solo en établissant une reconnaissance de disque, à l’identique des méthodes fonctionnant actuellement sur PC. Mais cette éventuelle solution mettrait alors à la porte de l’univers vidéoludique ceux qui n’auraient pas de connexion Internet. Une chose est sûre, l'imagination des pirates n'est pas prête de se tarir.