Test Rpm tuning (PS2, Xbox) : 0/10 sur JeuxVideo.fr

Par la grâce (ou la faute, diront les amateurs de bon goût) de Need For Speed Underground, la mode est au tuning sur nos consoles, avec des succès divers. RPM Tuning est un jeu de plus dans la longue liste des produits tentant de nous faire rêver par l'opportunité d'enlaidir une voiture innocente en lui adjoignant des spoilers et des stickers violets sur fond jaune, mais est-il dans le haut ou le bas du panier ?

C'est la réflexion qui me vient en découvrant la première cinématique. Elle rappelle vaguement celles de Driver (en beaucoup moins bien réalisée), avec ses personnages caricaturaux. Notre héros à mâchoire carrée débarque dans un garage louche, tenu par un garagiste louche à cheveux longs et barbe mal taillée, ancien militaire sur le retour. Les dialogues sont navrants, dans un style oscillant entre argot ringard et intonations ridicules. Le scénario tient sur un ticket de métro (on a volé la voiture du héros, il veut la retrouver), c'est, d'une certaine manière, sublime, c'est une incroyable caricature de l'univers du tuning et des jeux afférents. C'est prometteur, je suis impatient de voir la suite !La suite, c'est un écran moche où l'on peut choisir entre trois voitures moches, sur lesquelles ont peut ensuite rajouter des spoilers moches. Entendons-nous bien, les modifications qu'on pouvait apporter aux voitures de Need For Speed Underground étaient également, disons, esthétiquement contestables. Mais au moins, les voitures ressemblaient à des voitures, et les bas de caisses divers et variés ou autres spoilers ressemblaient eux aussi à quelque chose. Là, c'est moche dans le sens où ça ne ressemble à rien. Une sorte de grosse Majorette (les voitures qu'on avait quand on était petit) mal modélisée.La cinématique suivante est du même tonneau, et je doute un peu. Le bookmaker black véreux avec son physique à la Spike Lee et son maillot des Lakers, visiblement. C'est censé être un personnage fouillé de bookmaker véreux, ou c'est pour rire ? Enfin, peu importe le flacon, l'ivresse de la course m'appelle, un "run" contre trois caricatures (volontaires ?) de surfeurs m'attend !

En effet, la course me plonge immédiatement dans une ambiance du début des années 90 (au mieux). Une musique rigoureusement inaudible, même pas du Nu-Metal, plutôt un truc genre version instrumentale de Europe (un groupe mythique de suédois à cheveux permanentés et pantalons de cuir moulants) jouée au Bontempi vient bercer mes oreilles pourtant peu délicates. J'accélère, démarre péniblement, jette un œil fasciné sur des décors d'une pauvreté exceptionnelle, passe avec difficulté un premier virage apparemment facile, alors que je suis encore au ralenti. Je mets en pause, coupe la musique (non, vraiment, ça n'était plus possible de l'écouter), et je me retrouve en tête-à-tête avec le bruit du moteur.Et là, ça devient mythique. Les souvenirs de jeux antédiluviens remontent, du temps des consoles 8 bits et des ordinateurs à lecteurs de cassettes. Croyez le ou non, le bruit du moteur dans RPM Tuning, c'est un bip-bip-bip qui monte en fréquence avec le régime. Oui, le même, à peine amélioré, que dans "Pole Position" en 1979 sur Atari 2600 ! Avec les "effets d'escalier" quand on change de note ("biiiip-biiip-biip-bip-bip"), et tout et tout. Impressionnant.Tout à mon hilarité à l'écoute de ce bruitage incongru en 2005, j'en oublie de freiner avant le virage serré à droite qui s'annonce, alors que je suis presque à fond de cinquième (comme l'indique le bruitage, succession de bips suraigus et lents signifiant qu'il n'y a plus de tours à prendre) ! Plus le temps d'un appel contre-appel, ni de freiner, va pour un grand coup de frein à main et de volant, et vogue la galère... Surprise, cette manœuvre improbable m'offre LE virage miraculeux, parfait, qui me permet de me détacher de mes poursuivants qui font bip-bip au loin. Brièvement, hélas, puisque dans la ligne droite qui suit, alors qu'eux ont raté leur virage et que je suis à fond (biiiiiiiiiip fait le moteur), ils me rattrapent, et que le virage suivant, moins serré, me voit, malgré l'emploi de la même technique, foncer droit dans le mur (mystères du modèle physique, qui doit lui aussi dater des années 80).

Le privilège et la malédiction du testeur, c'est qu'il ne paye pas le jeu, mais qu'il est obligé d'y jouer. Aussi, poursuivant mon chemin de Damas le long de ce scénario aussi linéaire que stupide, enchaînant les cinématiques grotesques et les courses nulles contre des adversaires ringards en accumulant les voitures moches, j'ai été contraint de prendre le parti de m'amuser de sa nullité. Tout comme parfois on peut prendre un plaisir quelque peu malsain à regarder le téléfilm d'horreur du jeudi soir sur M6 : quand un vrai navet se présente à nous, qu'on a rien de mieux à faire que de le contempler, et qu'on ne paye pas, ça peut être distrayant, même si généralement à mi-chemin on se lasse un peu, voire beaucoup. RPM Tuning relève de cette logique. On s'esclaffe bruyamment, on regarde les cinématiques jusqu'au bout parce que, quelque part, elles finissent par avoir quelque chose de culte. Si ce n'était pas si difficile (vu que l'ordinateur triche) de gagner les épreuves et si ennuyeux de devoir jouer, on continuerait juste pour rire en découvrant un nouveau spoiler ou un nouveau "personnage" à l'accent grotesque. A ce niveau de consternation, une forme de poésie apparaît.

Dans un style de course passablement surinvesti par les éditeurs, et où les jeux médiocres abondent, RPM Tuning représente ce qui se fait de pire. Vous aurez plus de plaisir à rejouer à NFS Underground (même si vous en avez fait trente fois le tour) qu'à découvrir RPM Tuning, incontestablement en lice pour le titre du jeu le plus mauvais de l'année.