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Publiée le 01/04/2015 à 17:04, par Maxence

La réalité virtuelle asociale ? Des démos qui changent l'avis

Nous nous sommes frottés à la réalité virtuelle associée à Kinect lors du Fanfest de Eve Online : ça promet.

Voilà maintenant trois ans que la réalité virtuelle occupe l’esprit d’une partie de l’industrie du jeu vidéo. Le succès d’Oculus sur Kickstarter a montré qu’une frange de joueurs était déjà convaincue du potentiel ludique de cette technologie, quand le rachat de son concepteur par Facebook, pour quelque deux milliards de dollars, a rassuré les industriels du secteur sur son avenir marchand. Du côté des développeurs de jeux ou de leurs éditeurs, peu ont néanmoins manifesté publiquement un quelconque intérêt pour le sujet, et s’il ne fait aucun doute qu’Electronic Arts, Activision et Ubisoft planchent sur des jeux utilisant les casques qui s’annoncent en cascade ces derniers mois (Sony, Valve, Razer), personne n’ose pour le moment lever le petit doigt. Loin de cette défiance générale, CCP montre ses avancées depuis deux ans à sa communauté, avec quelques réjouissances pour son Fanfest 2015.

Une vieille histoire
EVE Fanfest 2015
Développeur et éditeur d’EVE Online depuis 2003, CCP Games croit en la réalité virtuelle. Avec son EVE VR tout d’abord, montré lors du Fanfest 2013, qui s’est depuis transformé en EVE Valkyrie dont nous vous parlions il y a peu. Voilà un vrai jeu vidéo développé par une grosse équipe, et pas une simple compatibilité assurée à la va-vite sur son dernier FPS en date. En tête de liste des « petits » qui s’intéressent de près à la VR, le développeur islandais a dédié beaucoup de forces vives à la technologie : sept personnes à Atlanta parmi les développeurs ayant planché sur World of Darkness (annulé en 2014), dix personnes à Shanghai entre deux mises à jour de Dust 514, le MMOFPS free to play de la PS3, auxquels s’ajoutent une trentaine d’individus à Newcastle pour Valkyrie : la cinquantaine de développeurs dédiés à la VR chez CCP constitue sans doute la plus grosse équipe allouée au sujet chez un éditeur-tiers.

Un intérêt qui s’explique par l’ADN même de la société, fondée puis dirigée par d’anciens employés d’OZ, à l'époque où Atari et SEGA y vont de leurs expérimentations. « Cette société utilisait déjà la réalité virtuelle via un langage de modelling dans le but de créer des mondes virtuels, même si les casques n'existaient pas à cette époque », nous explique Hilmar Veigar Pétursson, le patron de CCP. Le studio a donc sauté sur l’occasion, dès qu’elle s’est présentée, d’expérimenter sur le sujet. Résultat, quelques démos sont présentées à Reikjavik pour le Fanfest 2015. Pour une implémentation directe dans Eve Online, il faudra encore patienter : « Maintenant que la technologie de réalité virtuelle est sur le point de percer, nous avons en quelque sorte une nouvelle interface nous permettant d'accomplir notre vision d'un monde virtuel. Eve Valkyrie est notre premier pas, mais je vois beaucoup d'opportunités à l'avenir, de mélanger ensemble tous ces aspects d'Eve Online » rassure Pétursson.

Gameplay Fanfest 2015



La claque Oculus + Kinect
The Workshop est pour moi le « main event » du Fanfest. Le miracle s’accomplit à peine l’Oculus Rift enfilé : la version 2 de Kinect nous permet de voir notre propre corps ! Si ce n’est sans doute pas une nouveauté en soi, c’est une grande première pour moi. On bouge ses mains plus ou moins rapidement et on scanne le bas de son corps pour y croire, mais la modélisation 3D en texture blanche est bien conforme à notre morphologie. CCP Atlanta a prévu le coup, et enchaine directement sur une seconde révélation. Notre hôte arrive dans le champ et nous tend la main. Il est alors aisé de la saisir, avant de la secouer énergiquement dans un frisson de surprise. Cet intrus apparait en texture dorée, et bien qu’il ne soit pas lui-même équipé d’un casque, l’interaction reste possible dans ce monde entièrement virtuel, entre la salle d’entrainement de Matrix et celle de l’Esprit et du Temps de Dragon Ball.

EVE Fanfest 2015
Se lance alors l’activité, faite de cubes à renverser, de boules de feu à lancer sur des formes façon chamboule-tout, de modélisation en octogones de l’Islande tout en relief à manipuler… L’immersion est totale malgré les nombreux glitchs qui apparaissent partout où l’accessoire de Microsoft ne peut voir, et les sensations sont garanties lorsque l’on se confronte à soi-même, miniaturisé ou grandi à l’extrême. Il est difficile d’exprimer avec des mots ce que l’on ressent exactement, si ce n’est une grande frustration lorsque les cinq minutes de démonstration sont écoulées. Non sans un dernier roller coaster émotionnel, avec le sol qui s’effondre autour de nos pieds, case par case. Un final saisissant pour une expérience fondatrice dans mon approche et ma vision de la réalité virtuelle.

C’est à la lumière de cette expérience saisissante que nous nous lançons, avec une consœur française, dans une partie de Disc Arena : c’est une sorte de balle au prisonnier en 1 contre 1 – les joueurs se font face – où on lance un projectile sur l’adversaire et où l’on peut, à l’aide du bouclier modélisé en 3D transparent autour de notre bras gauche, repousser les attaques adverses. Les disques vont lentement et rebondissent sur les murs, et les joueurs doivent rester statiques : le tout est un peu mou, même si une nouvelle fois l’utilisation de Kinect nous plonge corps et âme dans cet environnement futuriste. « Je suis absolument convaincu que la technologie doit nous inclure dans la réalité virtuelle. Votre grand-mère aura envie de faire ça. Ça me fait penser à la Wii. Ce que cette console a fait pour ouvrir le marché à la masse, c’est en incluant le corps du joueur dans le jeu. Tout d’un coup, cela parait naturel, parce que c’est vous ! Vous êtes là, vous occupez l’espace », nous lâche Adam Kraver, Architect chez CCP Atlanta, avec enthousiasme.

EVE Fanfest 2015
Des joueurs plongés au cœur de EVE Valkyrie

Encadré Project Nemesis : développé à Shanghai, Nemesis utilise le casque de Samsung (conçu par Oculus), le Gear VR. Destiné à un public de niche équipé d’un smartphone de la marque coréenne (Note 4 ou S6), il s’était révélé plutôt intéressant à manier lors de notre prise en main parisienne. Une nouvelle fois, nous avons eu l’occasion de nous rendre dans l’espace pour blaster du vaisseau dans un rail shooter très classique auquel s’ajoute la couche de réalité virtuelle, qui permet de viser « avec les yeux » en bougeant la tête. Le tir au touchpad fatigue toujours autant le bras à la longue, mais la réalisation étincelante à base d’Unreal Engine 4 et le gameplay « vers l’avant » garantissent le confort des yeux et du cou. Les quelques minutes de jeu se concluent par un boss qui souligne le principal défaut du titre : le manque de sensation de tir, l’absence de vibration au moment des impacts. Un regret qui devrait être gommé à la manette, mais qui souligne la barrière qu’il reste à franchir à la réalité virtuelle.

Un plaisir solitaire, mais pas que
Diaporama EVE Fanfest 2015
Plus mesuré, son collègue Executive Producer Morgan Gordat développe : « Je ne pense pas que toutes les expériences de réalité virtuelle aient besoin de ça – que votre corps soit dans le jeu – parce que parfois vous voudriez bien être ce pilote de Valkyrie dans le cockpit, et ainsi être un personnage complètement différent. Je pense que se voir, c’est déjà fabuleux. Mais voir quelqu’un d’autre avec vous… c’est l’enjeu majeur en fait. » Le multijoueur en réalité virtuelle, CCP s’en donne les moyens, à commencer par Eve : Valkyrie. Nos parties à 5 contre 5 en local, alors même que l’on est assez éloigné de ses coéquipiers et adversaires, sont effectivement ponctuées d’interactions sonores, directement en jeu ou simplement par les voix réelles qu’un judicieux placement du casque permet de laisser filtrer. On pensait que la réalité virtuelle était un nouveau moyen pour le joueur de s’isoler dans un monde virtuel : le rachat d’Oculus par Facebook et nos expériences multijoueurs nous montrent qu’au contraire, elle pourrait être un outil très social.

Adam Kraver approuve : « Il y a cette assomption selon laquelle la VR n’est pas quelque chose de très social. Mais on prouve déjà que cela n’est pas vrai. Imaginez-vous dans une arène avec six de vos amis, ou sur un terrain, et il y a mille spectateurs. Et ils sont tous assis sur leurs sièges, chez eux, à vous regarder jouer. Et peut-être qu’ils ont payé pour être là ! Voici une nouvelle possibilité de business model ! ». Si tous les intervenants s’accordent à dire que la VR ne constituera pas, en soi, un modèle économique, de nouvelles manières de monétiser les contenus pourraient apparaitre en périphérie. De la publicité avec Facebook, mais également des modes spectateurs payants pour certains évènement, qu’ils concernent le jeu vidéo ou non, sont en effet envisageables.

EVE Fanfest 2015
L’idée, pour le moment, c’est de proposer des expériences convaincantes aux early-adopters, qui seront ensuite à même de convaincre le reste du public de l’intérêt des casques de réalité virtuelle. « La manière dont les gens vont connaitre leur première expérience conditionnera son succès ou son échec. On sait que les joueurs rêvent de certaines choses relatives à cette technologie, et nous souhaitons jouer notre rôle en apportant une expérience convaincante avec Eve Valkyrie », commente Hilmar Veigar Pétursson. La suite ? Suivant le succès de la réalité virtuelle, différentes évolutions sont possibles d’après Adam Kraver : « Je ne sais pas de quoi sera faite la prochaine génération de technologie. Des gants ? Des capteurs ? Cela rend quand même les choses moins accessibles. La clé pour rendre cette chose pérenne, c’est de la rendre intéressante, accessible, et une fois que c’est sur le marché, pourquoi pas proposer une expérience corporelle totale. ».

Quel avenir pour la réalité virtuelle ?
Quel que soit l’avenir de la réalité virtuelle, CCP se voit en première ligne. Une position claire qui tranche avec celle des principaux éditeurs, qui minimisent les risques en attendant d’avoir une vision claire de l’étendue du marché. Le développeur Islandais mise sur 10,8 millions de casques à l’horizon 2016 : un chiffre qu’il sort de son chapeau pour se donner confiance en ses choix, même s’il semble conscient que tout reste à faire. « Je ne peux pas prétendre voir le futur et affirmer qu’il s’agira d’un produit mainstream, je ne pense pas que tous les participants du Fanfest auront un casque de réalité virtuelle à l’avenir, peut-être s’agira-t-il de lunettes pour de la réalité augmentée, ce qui est très intéressant aussi. Mais j’y crois. Je veux que tout le monde porte des casques à l’avenir, mais l’effort doit être fait maintenant de notre côté, et même si seul un public hardcore s’équipe pendant un certain temps – des mois, des années – nous voulons être certains de pouvoir interagir avec ce public » confie Morgan Godat.

Birdly - Teaser from maxR on Vimeo.

Tous les rêves sont permis


« Je vois ça comme les cartes d’accélération 3D, à la fin des années 90. Le 3D effects de NVidia, et tout à coup, 30 fabricants différents s’y mettent, et tout le monde en veut… On a fait un grand bond en avant, des jeux DOS aux titres rendus en 3D temps réel. Je vois ça de la même manière avec la réalité virtuelle. » laisse éclater Adam Kraver, résolument plus optimiste. On est également confiant du côté de Shanghai, où le Managing Director de CCP Jean-Charles Gaudechon opine : « les applications de la réalité virtuelle sont vraiment nombreuses et variées, en tous cas vis à vis des médias existants, et nous n'en sommes qu'aux balbutiements. Je pense vraiment que tout le monde trouvera chaussure a son pied, dans le jeu vidéo ou autre ». Sans oublier de prêcher pour sa paroisse, à savoir la VR sans fil sur mobile, qui est pour lui le premier point d'accroche de la technologie auprès des joueurs. La sortie relativement confidentielle du Gear VR nous incite tout de même à la prudence à ce sujet.

Conclusion
Excitant et risqué, le chemin qui mène la réalité virtuelle - de ses premiers pas jusqu'à nos foyers - semble devoir passer par CCP Games. Sur mobile, via une dynamique section de recherche et développement ou à un niveau plus industriel avec Valkyrie, le studio islandais est sur tous les fronts : intégration du joueur dans l'expérience ou encore interactions sociales sont ainsi au cœur de ses expérimentations. C'est peut-être ce qui fera la différence entre le développeur et les pontes de l'industrie au moment des premiers bilans.

Ancien d'Electronic Arts, Morgan Godat consent à comparer son nouvel employeur à l'ancien : « EA est une entreprise qui sait prendre des risques, comme avec les Sims au départ, avec Spore, ou regardez Dead Space... Donc je ne dirais pas que nous avons le monopole de la créativité, mais depuis le départ de Valkyrie, en passant par les VR Labs, et aussi tout ce dont on ne parle pas, il y a une culture de l’expérimentation. On laisse le bon staff, mais surtout le temps nécessaire, pour réussir ou échouer. Et si nous échouons, qu’est-ce que nous avons appris ? Comment on évolue ? C’est un environnement très créatif. ». Une culture de l'expérimentation qui semble avoir été un peu perdue de vue par certains grands acteurs, au bénéfice de licences au succès mesurable. Espérons que la réalité virtuelle parviendra à raviver la flamme des leaders du marché, qui auront un grand rôle à jouer dans le succès ou l'échec de la technologie. Rendez-vous en 2016.

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EVE Fanfest : CCP et ses joueurs communi(qu)ent
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EVE Fanfest : le tour de l'évènement en photos
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Preview de Eve Valkyrie : Star Wars comme si vous y étiez

Tous les commentaires

  • chmarkh
    07/04/2015 23:15:53

    c'est mieux cela lorsque  https://www.g2a.com/r/g2a-ma

  • kyuubi34800
    07/04/2015 11:25:30

    Warlow kyuubi34800 Oui je me doutais bien que tu faisais référence à SAO (ou encore aux .hack) et me disais que les japonais étant friand de ce genre d'univers nous sortiraient quelque chose avec cette tech. Pour ce qui est de SC bien sûr que la tech ne sera pas obligatoire tout comme sur Elite Dangerous mais elle a pas mal d'utilité je pense (enfin si tu perds pas la tête à suivre tes ennemis dans tous les sens) et finira peut-être par devenir un périph incontournable sur ce style de jeu. Mais à mon gout le dog fighter ainsi que la simu auto sont les deux domaines qui collent le plus avec la tech tant qu'il nous manque les tech pour interagir in-game en bougeant IRL (là où sur un Dog Fighter il est normal/naturel d'être assis dans ton fauteuil un bâton de joie entre les mains, te sortant moins du "truc" qu'un FPS à l'heure actuelle) Kinect s'en rapproche le plus mais c'est pas encore top.

  • Warlow
    07/04/2015 10:51:13

    kyuubi34800 Warlow Après je pense pas que ça aura un quelconque impact sur le gameplay de star citizen outre le côté wow omfg c'est trop zolie. Pour le premier vrai jeu en réalité virtuelle sera celui pour lequel un système de réalité virtuelle sera obligatoire pour profiter pleinement du gameplay ( sinon je faisais une petite référence à sword art online :P, pour ça que ça fera sûrement un carton )

  • kyuubi34800
    07/04/2015 10:28:31

    Vegdo lukeskyw Nan mais la vidéo de l'hololens c'était du pur bulls**t c'est pas avec la tech actuelle qu'on va ne serait-ce que friser ce qu'ils montrent dans leur pub. Et puis 5D... Ou comment inventer un nouveau terme marketing au possible quand le polygone, le TFlops sont déjà passés à la trappe et bientôt la GDDR5 une fois que les consoleux auront comprit que c'est encore moins démonstratif comme carac que le TFlops. J'espère que ce terme ne vient pas de MS sinon c'est de la mauvaise imitation de com Sony qu'ils nous font là :/

  • kyuubi34800
    06/04/2015 19:44:43

    Warlow Tient ça faisait un bail qu'on t'avait pas vu là, bah l'idée est en quelque sorte à l'étude je dirais avec Star Citizen vu la masse de monde qui va se lancer dessus avec un OR sur la tronche. (sur Elite aussi en quelque sorte mais dans une proportion moindre j'imagine)

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